1 : Marguerite
Y a du mou dans la blõnde à Québec comme ici
la holstein en peinture par petites touches
robe à fleurs chocolat blanc de l'œil
grossissant Marguerite ma bombe
j'ai beau tourner ma langue sous la mamelle
le cœur ne s'emballe plus des masses
gonflées d'images pour vos beaux yeux
il faut regarder les choses en face.
2 : Normandie
Une boîte avait remonté le moral du temps
de la sœur des troupes à concentrer en poches
un lait coton à maquiller sous l'œil
des connaisseurs en Normandie profonde
et dont l'ennui trompé les vaches pomme rose
ou bleues du berlingot sucé chaque fois avec l'esprit
des pionniers s'écoulaient dès que j'aspirais
à tout sauf à regarder les choses en face.
3 : Bérénice
Pour être à la hauteur ici on prend la mouche
au vol collé par sa finesse à l'abdomen du bimoteur
on se sent poussé des ailes au milieu beau
du désert de Bérénice (le tour de vache en gros
m'est monotone) frôle des lacs noirs le gouffre
la catastrophe (un œil ou deux naseaux
oiseau) soufflé se pose en victime enfin sur le
chanfrein : il faut regarder les choses en face.
4 : Alep
Bé des nues sur un os je tape aussi dans l'œil
de la corne gauche je voudrais percer le secret
je crois de l'âge de Marguerite à chaque fois
que j'y pense (on m'a scié toute ma jeunesse
à égrainer les ronds dans l'o des billes de pins d'Alep)
chaque fois je voudrais l'homme des bois
qu'on fait parfois soulever sa corne pour y lire
en vain – il faut regarder les choses en face.
5 : Guillaume
Si on prend Pythagore pour faire de la musique
des lustres après l'écho du mouvement des planètes
éteintes en somme nos cloches c'est du vent
je rejoins Guillaume dans les colchiques
au stade de l'univers empoisonnant des robes
y fleurissent mes yeux sont comme cette fleur-là
Milka abandonnée on suit la mouche au vol du pré
silencieux il faut regarder les choses en rond.
6 : Alexandrie
(Quand les 12 salopards repassent dans le champ
du poème à genoux la valse de guerre lasse
la compagnie mélaminée du carré jaune
ma chérie qui bat de l'aile & qu'on te passe en boucle
à l'oreille toute petite produit le même effet
papillon du désir de mélanger les nombres
à l'esprit vient l'espoir de refaire le monde
– en vain il faut regarder les choses en face).
7 : Cindy
À côté de la bouche Cindy verdit un brin
d'émotion passe au cri du trèfle entre ses lèvres
le mur du son qu'on voyait couper la rizière du pré
le cède à ce murmure du son de la rotativité
de la terre sous les broyeuses qu'on kiffe
à donf s'entend le goût des grillons ressuscités
en coquelicots monte aussi s'y plonger
vous absorbe il faut regarder les choses en face.
8 : Semantika
Dans la même veine on troue l'espace du museau
à l'abreuvoir coulant vers la surface de l'autre
côté du globe des yeux hagards jusqu'à la langue
de cousine Semantika (petite rose blanche littéralement
buvant dans l'un des bras du Brahmapoutre)
on pense d'abord miracle télépathie et puis on craque
une allumette mentale à la lueur des évidences
qui confirment : il faut regarder les choses en face.
La vache
Sébastien Smirou
Subtitled "bestiaire," with a pencil sketch by François Matton of an unfinished beast on its cover, Beau voir features chapters that each address a different animal: lion, giraffe, chamois, cow, cat, turtle, glowworm, dodo. One may hear the title as an echo of mirabile visu, "wonderful to behold," with the reading experience figured like a day spent wandering an unusual zoo: the animals are hardly in captivity, few zoos feature glowworms (or, for that matter, cats), and the dodo is extinct. On the other hand, "beau voir" is also a set expression, indicating doubt: "oh yeah? I'd like to see that," or, more cynically, "uh-huh, we'll see about that." Poised between exhibition and exhibitionism, between inventory and invention, Beau voir is a kids' book for grownups, those featherless bipeds who live behind figurative bars but are sometimes freed by rhyme, or nonsense, a run-on sentence, a pun or sing-along. One might keep in mind that bête is not only a noun for "creature"; it's also an adjective meaning "silly," even "stupid." Similarly, "La vache," the book's fourth chapter, refers to cows—but "vache," the adjective, means "nasty," while "la vache!" is an exclamation of surprise: Holy cow! Like its predecessor Mon Laurent, Smirou's Beau voir is divided into eight chapters, each containing as many poems, with each poem comprising an octave of lines. Moreover, the last line, or a portion of it, is repeated in every poem within a section, verbatim or with variegated reiterations. All eight octets of "The giraffe," for instance, conclude, "si tu vois ce que je veux dire" ("if you see what I mean"), a phrase that highlights Smirou's impish wish to marry seeing and saying. That the title Beau voir contains eight letters is no contingent detail—I am calling the translation See About.
Sébastien Smirou is the author of three poetry volumes from P.O.L.—Un temps pour s'étreindre (2011), Beau voir (2008), and Mon Laurent (2003). He founded éditions rup&rud, whose chapbook series has been reprinted by Éditions de l'Attente as rup&rud: l'intégrale, 1999-2004 (2009). The recipient of numerous awards, including a Bourse de découverte from the Centre national du Livre and a fellowship from the Conseil Régional d'Île de France, he participated in the Mission Stendhal sponsored by the French Minister of Foreign Affairs. He has translated several American poets into French. A psychoanalyst, Smirou has contributed essays to psychoanalytical texts, canonical and contemporary alike, including Sándor Ferenczi's Un petit homme-coq (2012) and Franck Médioni's Albert Ayler: Témoignages sur un holy ghost (2010). He authored the preface to a new Freud translation, Le petit Hans (2011), and translated Antonino Ferro's Rêveries from the Italian, which just appeared in 2012. Smirou co-directs the journal LIGNE 13.
Andrew Zawacki is the author of the poetry books Videotape (Counterpath, 2013), Petals of Zero Petals of One (Talisman, 2009), Anabranch (Wesleyan, 2004), and By Reason of Breakings (Georgia, 2002). His recent chapbooks include Roche limit (tir aux pigeons, 2010) and Georgia (Katalanché / Scary Topiary, 2013). His poems have appeared in The New Yorker, The New Republic, The Nation, and elsewhere, and he has published three books in France: Georgia and Carnet Bartleby, translated by Sika Fakambi, and Par Raison de brisants, translated by Antoine Cazé—a finalist for Le Prix Nelly Sachs. Zawacki's translation of Sébastien Smirou, My Lorenzo, is out from Burning Deck (2012). A former fellow of the Slovenian Writers' Association, Zawacki edited Afterwards: Slovenian Writing 1945-1995 (White Pine, 1999) and edited and co-translated Aleš Debeljak's Without Anesthesia: New and Selected Poems (Persea, 2011). He is coeditor of Verse, The Verse Book of Interviews (Wave, 2005), and Gustaf Sobin's Collected Poems (Talisman, 2005).
