de Poèmes

Marie Uguay

Tu m’apprends l’âge
(mon amour)
le passage
l’inattendu l’inutile
la retenue de la nuit
les autres avec la clé de leur univers
décalque et papier japonais
la précieuse incrédulité des yeux
l’ignorance affublée d’objets rares
tu m’apprends la neige
comme une complainte sordide et enchanteresse
et tu ne m’apprends rien j’invente
tu es l’âge le passage
et maintenant le très vert éparpillement horizontal de ton âge



*

Les chiens de l’ombre flairent ton immobilité
l’insatiable surdité des corps
les ciels sont des urnes vertes
les temps conclus les espaces morts
les vents font signe de rien où tout flanche
et les crocs s’allongent sur le sol
 


*

Petites chaises jaunes
où nous nous enfonçons
dans l’obscurité venue
du lac et de la nuit
la nappe où nous avons déposé
des tasses de café des fruits
bouge lentement ses jupons de bal
petits pieds pâles comme des lunes
qui font chuchoter le gravier
perpétuent dans leur danse
le jaillissement des fontaines perdues



*

J’aurais voulu garder me retournant
deux actes successifs de soleil
dans le vol du pigeon
les façades couleurs de braises
au-dessus l’appel du grand large
avec un seul nuage roulé en boule
la demi-tristesse de l’orme
un tel silence presque nouveau
nous ne sommes pas sûrs d’avoir vécu




Marie Uguay, Poèmes, © Éditions du Boréal and Stéphan Kovacs 2005.