I
Certains déjà à foulaient la glaise vers l’autre rive,
d’autres, sous les eaux, passaient à travers les arceaux
Dans la bouche une perle bleue,
chacun une perle bleue entre les lèvres.
Sonnaient trompes de bois noir,
trompes d’ivoire,
Les Trois tambours-aisselle,
et parmi, l’antique séele
de peau batracien tendu
Comme un sein frondeur annonce de beaux désastres
fit les premiers rythmes entendre
des mains palmées de l’orage.
Et les crapauds chantaient
tout comme au premier jour du monde :
la souveraine c’est l’eau
la souveraine c’est l’eau
Douze vaches fertiles avec leur veau,
l’eau jusqu’au cou,
Douze étalons sortis de mer
remontant le cours du fleuve jusqu’au lac,
Miroirs scintillants,
innombrables yeux,
l’Un est là
tout s’y meut
tout s’en émeut,
Ombres chatoyantes dessus le flot,
ombres dansant dans le ressaut,
Ciel gris-bleu et
paysages vert sombre
beauté paisible,
Les cieux flottent dessus les eaux,
l’oiseau calao sur l’eau étire ses attaches,
Le ciel au lit se berce,
l’un sur l’autre s’appuient,
Joncs couchés sur l’eau,
fins ramages,
La houle lascive murmure dans la fosse,
dans la fosse les deux cents albinos,
Dans la fosse le silure à peau gluante,
les trois déesses Eau dans la profondeur dansent,
Les houes fouillent dans les meules,
Belles à la peau très lisse,
Belles aux membres ronds,
Eaux apaisantes dans les vestibules du plaisir,
eaux faites pour apaiser, pour apporter la paix,
augmenter choses,
Grandeur silencieuse emplit la cour du secret,
Bouche du ciel ouverte,
bras tendu,
Reins dans herbes rouges,
pilon contre voûte,
Les ouvertures s’ouvrent,
La grande parole salue l’eau,
fend les vagues,
sépare les eaux boueuses,
fixe les bornes aux flots,
Mène au lieu de halage :
À présent, le cri de joie.
XII
“Proche et pourtant invisible” araignée,
lianes et incantations
brodées d’une voix douce, mains dans le dos,
en des spirales, rebrodées de lumière.
Les paroles claires marchent devant nous,
les paroles sont nos ancêtres,
les paroles sont nos enfants,
ells nous regardent de derrière:
nos enfants sont nos ancêtres.
Bélier sacré aux cornes torsadées,
mâle qui lie les semences,
vivace qui répète ses naissances.
Enterrement des ceintures des reines-mères,
nouveau feu ritual,
nouveaux répondants à l’appel des sonnailles,
renouvellement des coeurs et des peaux des tambours,
renouvellement des insignes et des marteaux
copulation, curage des abreuvoirs,
nouveau masque aux yeux ardents,
masque aux yeux d’antilope
enchatonné de triangles noirs et rouges
peint oseille et sang sacrificial,
grains bala, l’huile sa,
rafraichi avec sang chein et lhouile sesame,
parfumé aux raciness de sorgho.
Semailles puis prémices,
brousse balisée, plantations rabourées,
les tambours dans les palanquins retournent,
les taureaux retournent dans l’enclos;
pieds mais-bois
fourrés d o u c e m e n t
deux par deux dans la terre,
d o u c e m e n t, “prends bien gade à tes pas”,
pour gager le cheminement d’Orion sur le pourtour de la mer,
et son retour derrière le nuage au revers des Pléiades;
Alors, rafraichissement des corps et des souffles,
bain-lãnmè tête calée net’ ac lame obsidienne,
Rejet des vieux souffles par l’anus,
renouvellement des quatre points,
Aspiration de nouvelles effluves
bouche ouverte,
Réfection des dessins rituels,
refection des signes de la creation.
Alors les femmes poussent des cris de joie,
s’enduisent le corps de fard de padouk,
tout luisant, bien clairé, bien rangé
dégrigri
pioute-pioute.
Alors on jambe,
à l’aube, la pluie lavera le sang de bouc ;
“Alors on peut se marier,
Alors on peut reciter les éloges, pousser des acclamations,
Alors on peut accomplir son voeu” :
Cultiver le mil, couper le grain mûri, le mettre dans les greniers.
de “L’eau (Retour)”
LIV
Vieilles femmes au bord de l’eau
à l’endroit que
à l’endroit où l’eau ne tarit pas.
Elles chantent des histoires d’eau à
qui sait écouter des histoires,
Mais qui sait encore écouter des histoires . . . ?
Qui sait écouter l’eau,
Mais qui sait encore écouter . . . ?
Les histoires intarissables
Du bord du marigot intarissable
des Wanjina sans bouche,
des jumeaux invisibles Sapola et Kpakpali,
des tortues d’eau et des lamentins.
Comme ca ells chantent, incommensurables.
Chantent: “Où est l’eau? Olo! Où est la calebasse d’eau?
Qui tient la calebasse d’eau? Qui va prendre l’eau?
Et il donne à qui? Qui pense prendre l’eau?
Pour la remettre à qui? A qui la remettra t-il à son tour?
L’eau de qui? Et qui la prendra? Pour la remettre à qui?
En disant que c’est pour qui?
Où se rend t-il au juste avec cette eau? Olo!
Où va cette eau au juste?
Jusqu’où remontera t-il avec cette eau? Olo! Olo!
Tigban prendra t-il l’eau et la donnera t-il à son père?
Son père la donnera-t-il à son père?
Et quand le père de celui-ci prendra l’eau,
A qui transmettra t-il?”
Pour que le chemin soit clair.