Asinus, Asnous et Âne
Mohammed Khaïr-Eddine
Écrire en français est un choix délibéré qui ne m’a nullement été impose. J’ai étudié l’arabe en même temps que le français. Ma langue maternelle, si on peut l’appeler une langue, c’est le berbère et plus précisément le Chleuh (Tachelhit), le dialecte dont usent seulement les habitants du sud marocain. Je suppose que dans les temps immémoriaux, le berbère était une langue communément parlée par les ancêtres de ces tribus dont les idiomes diffèrent tellement aujourd’hui. On en retrouve même quelques traces en Haute-Egypte. Mais l’Histoire a grandement contribué à changer les premières structures.
Ce qui m’a frappé à la lecture de L’Âne d’Apulée, c’est le mot âne qui dérive du latin asinus. Or en Chleuh, on appelle un ânon asnous. Où est la différence ?
Il faut croire que l’interprétation des langues, leurs apports particuliers les unes aux autres, ne sont pas seulement dûs aux accidents de l’Histoire ; il y a chez l’homme une curiosité quasi phylogénétique qui le pousse, comme une bête, à explorer sa mémoire, le comportement des autres n’étant, avec leurs langues, si disparates, leurs dialectes si divergents, qu’un des multiples faisceaux de lui-même, un miroir de son lent et obscur apprentissage de la vie.
Écrire en français ou en arabe, au Maghreb, revient pratiquement au même dans la mesure où ces deux langues ne sont comprises que par des élites très fermées, le plus souvent antagonistes. Le langage parlé maghrébin (je ne dis pas le langage rural, mais le langage citadin) c’est l’arabe dialectal qui n’a rien à voir avec l’arabe littéraire. Tant qu’il sera ainsi, il n’y aura pas de véritable littérature populaire au Maghreb. Cette situation est intimement liée à l’évolution politique, à la libération ou à l’écrasement des peuples maghrébins.
Pour moi, je vois la langue française comme un outil de travail et un instrument de jouissance personnelle. Quand j’écris, je veux atteindre à la perfection et si ce que je produis ne m’emballe pas, je le considère indigne de mes éventuels lecteurs. Je n’écris jamais pour tel ou tel individu, ni pour tell ou telle classe politique, ni pour tel ou tel groupe humain, j’écris pour ceux qui savent me lire, et qui retrouvent un peu d’eux-mêmes dans mon travail. Il y a d’abord le langage, puis il y a ce qu’on y met, il y a ce jet qui vous et que vous ne pouvez capter qu’en étant maître d’une parole ainsi émise depuis longtemps. Cela s’applique à toutes les langues et à tous les écrivains.
L’attitude de certains auteurs maghrébins vis-à-vis de la langue française est une attitude d’hommes mutilés. C’est une grave erreur, sachant qu’un écrivain est hors des langues : il n’est qu’une manifestations de l’Histoire. L’écrivain véritable est toujours étranger à la langue dans laquelle il s’exprime.
Il y aura de moins en moins d’écrivains maghrébins d’expression française, compte tenu de l’arabisation intensive et désordonné qui est de rigueur, maintenant, au Maghreb. Il émergera peut-être de ce brouillamini quelques poètes, mineurs, mais point de véritables créateurs. Ce ne seront qu’exercices du style sans envergure, et rien d’autre ! Je ne suis pas pessimiste, mais le choix d’une langue est une affaire individuelle. On aime les mots de telle ou telle langue ou on ne les aime pas. C’est comme un aliment. Cela se passe au moment même où l’on commence à s’ouvrir au monde, --quand on est encore pur, j’entends. J’irai plus loin en disant que l’écrivain ne possède pas une langue donnée. C’est elle qui le possède. Il en est réellement l’esclave. Il doit l’assumer complètement, hors les nationalités, et se considérer comme un écrivain libre.
Pour moi, la culture française, c’est la vie française au jour le jour ; c’est la magnificence de la langue française quand on sait s’en servir ; ce sont la rencontre d’hommes et de femmes et la vision de sites qui s’opèrent au hasard des pérégrinations. Quelques écrivains français et étrangers qui ont donné un souffle neuf à cette langue en plein bouillonnement. C’est dans ce cadre que ne m’inscris, sans doute. Pourquoi me plaindre de cette culture ici ? Pourquoi reprocher à cette langue qui me sert si bien ses diverse lacunes ou les déviations des hommes qui sont censés lui donner une direction véritablement humaine et qui ne font, à présent, que jouer aux apprentis-sorciers?
La culture française, comme les autres cultures, suit la ligne temporelle qui est fixée par l’Histoire. Les hommes qui la font sont tenus de ne point ignorer les apports extérieurs et s’ils les assimilent bien et les comprennent bien, c’est toute la culture mondiale qui s’en trouvera enrichie un jour prochain.
Ce qui m’a frappé à la lecture de L’Âne d’Apulée, c’est le mot âne qui dérive du latin asinus. Or en Chleuh, on appelle un ânon asnous. Où est la différence ?
Il faut croire que l’interprétation des langues, leurs apports particuliers les unes aux autres, ne sont pas seulement dûs aux accidents de l’Histoire ; il y a chez l’homme une curiosité quasi phylogénétique qui le pousse, comme une bête, à explorer sa mémoire, le comportement des autres n’étant, avec leurs langues, si disparates, leurs dialectes si divergents, qu’un des multiples faisceaux de lui-même, un miroir de son lent et obscur apprentissage de la vie.
Écrire en français ou en arabe, au Maghreb, revient pratiquement au même dans la mesure où ces deux langues ne sont comprises que par des élites très fermées, le plus souvent antagonistes. Le langage parlé maghrébin (je ne dis pas le langage rural, mais le langage citadin) c’est l’arabe dialectal qui n’a rien à voir avec l’arabe littéraire. Tant qu’il sera ainsi, il n’y aura pas de véritable littérature populaire au Maghreb. Cette situation est intimement liée à l’évolution politique, à la libération ou à l’écrasement des peuples maghrébins.
Pour moi, je vois la langue française comme un outil de travail et un instrument de jouissance personnelle. Quand j’écris, je veux atteindre à la perfection et si ce que je produis ne m’emballe pas, je le considère indigne de mes éventuels lecteurs. Je n’écris jamais pour tel ou tel individu, ni pour tell ou telle classe politique, ni pour tel ou tel groupe humain, j’écris pour ceux qui savent me lire, et qui retrouvent un peu d’eux-mêmes dans mon travail. Il y a d’abord le langage, puis il y a ce qu’on y met, il y a ce jet qui vous et que vous ne pouvez capter qu’en étant maître d’une parole ainsi émise depuis longtemps. Cela s’applique à toutes les langues et à tous les écrivains.
L’attitude de certains auteurs maghrébins vis-à-vis de la langue française est une attitude d’hommes mutilés. C’est une grave erreur, sachant qu’un écrivain est hors des langues : il n’est qu’une manifestations de l’Histoire. L’écrivain véritable est toujours étranger à la langue dans laquelle il s’exprime.
Il y aura de moins en moins d’écrivains maghrébins d’expression française, compte tenu de l’arabisation intensive et désordonné qui est de rigueur, maintenant, au Maghreb. Il émergera peut-être de ce brouillamini quelques poètes, mineurs, mais point de véritables créateurs. Ce ne seront qu’exercices du style sans envergure, et rien d’autre ! Je ne suis pas pessimiste, mais le choix d’une langue est une affaire individuelle. On aime les mots de telle ou telle langue ou on ne les aime pas. C’est comme un aliment. Cela se passe au moment même où l’on commence à s’ouvrir au monde, --quand on est encore pur, j’entends. J’irai plus loin en disant que l’écrivain ne possède pas une langue donnée. C’est elle qui le possède. Il en est réellement l’esclave. Il doit l’assumer complètement, hors les nationalités, et se considérer comme un écrivain libre.
Pour moi, la culture française, c’est la vie française au jour le jour ; c’est la magnificence de la langue française quand on sait s’en servir ; ce sont la rencontre d’hommes et de femmes et la vision de sites qui s’opèrent au hasard des pérégrinations. Quelques écrivains français et étrangers qui ont donné un souffle neuf à cette langue en plein bouillonnement. C’est dans ce cadre que ne m’inscris, sans doute. Pourquoi me plaindre de cette culture ici ? Pourquoi reprocher à cette langue qui me sert si bien ses diverse lacunes ou les déviations des hommes qui sont censés lui donner une direction véritablement humaine et qui ne font, à présent, que jouer aux apprentis-sorciers?
La culture française, comme les autres cultures, suit la ligne temporelle qui est fixée par l’Histoire. Les hommes qui la font sont tenus de ne point ignorer les apports extérieurs et s’ils les assimilent bien et les comprennent bien, c’est toute la culture mondiale qui s’en trouvera enrichie un jour prochain.